Utilisation des standards ISA-88 et ISA-95 pour la traçabilité en production Using ISA-88 and ISA-95 standards for traceability in production par Jean VIEILLE Expert en systèmes industriels Control Chain Group Résumé Les standards ISA-88 et ISA-95 sont bien connus pour la conception et l’interopérabilité des applications informatiques industrielles. Ils offrent une base pratique pour concevoir l’infocentre et les processus de gestion d’un système de traçabilité. Cet article s’appuie sur une ontologie supérieure pour discuter l’utilisation en traçabilité des différents modèles de ces standards qui se recouvrent assez largement avec des écarts et des complémentarités. Abstract The ISA-88 and ISA-95 standards are well known for the design and interoperability of industrial IT applications. They offer a practical foundation to design the data historian and the business processes of the traceability system. This article builds on en upper ontology to discuss the utilization in traceability of the different models of these standards that overlap significantly with gaps and complementarities. Mots-clés / Keywords : Français anglais Technologies impliquées (1 à 2 termes)  Information, linguistique et modélisation Information, linguistics and modelling Domaines d’application (1 à 2 termes)  Systèmes industriels de production de biens Industrial systems for the production of goods Type d’article (choisir 1 à 2 termes) Mise en œuvre Etat de l’art Implementation State of the art Concepts principaux (2 à 3 termes)  Traçabilité, ressource, processus Traceability, resource, processus Sommaire Illustrations Tableaux 1 Introduction 1.1 Fondements de la traçabilité L’observation de la nature passionne l’homme qui s’interroge sur sa genèse, son évolution, sa diversité, son esthétique, sa brutalité… Les artistes comme le peintre Michel Biot poursuivent inlassablement cette quête au travers de la représentation des « éléments », analysant les innombrables manifestations statiques et animées d’un monde qui nous accueille ou que nous imaginons. La physique quantique nous a rendus plus humbles dans notre rapport avec une réalité toute subjective, que Teilhard de Chardin et Tom Stonier ont positionné dans un continuum optimiste partant d’un big bang d’expression énergétique in-forme, dénué de spiritualité ou de connaissance vers une destinée de nature purement informationnelle, d’entropie nulle. L’épistémologiste Karl Popper quant à lui nous appelle à la modestie face à une connaissance objective dont l’essentiel nous échappe. On peut aborder l’observation par la combinaison de 3 aspects fondamentaux de la nature - matière, énergie, information – dont les « proportions » respectives déterminent le niveau entropique de l’objet. Cette modélisation est pratique dans le contexte de cette étude, même si l’on soupçonne que l’entité fondamentale de l’univers est l’interaction entre « particules » qui sont en fait des nœuds de convergence des interactions dont elle ne difèrent que d’un demi-spin. Ces dernières, à la racine de la réalité, sont finalement de nature informationnelle cinétique comme l’ensemble de l’univers en évolution. Tout « produit » peut ainsi être observé selon ces 3 aspects. Quand on analyse l’aspect matière, on peut déterminer les caractéristiques dimensionnelles, physiques, chimiques telles qu’elles nous a apparaissent au moment de l’observation. L’aspect énergétique peut être exposé en termes de potentialité du produit lorsqu’on le brûle, désintègre, détend, fait réagir avec un autre ou chuter. L’aspect informationnel représente les données nécessaires pour « assembler » le produit, son histoire, l’héritage récursif du savoir faire accumulé qui a permis sa réalisation et celle de ses constituants telle qu’elle nous apparait aujourd’hui – y compris le processus ultime de fabrication dont il résulte. Cette information potentielle, latente, « enfouie » dans le produit nous est pour l’essentiel inaccessible dans l’état actuel de la science  et de la technologie: la traçabilité tente d’y suppléer en collectant et en rendant accessible une partie la plus objective possible de la connaissance associée au produit livré au client, au consommateur. L’observation implique pour nos sens deux dimensions fondamentales pour pouvoir être traitée par notre intellect et nos ordinateurs : la capture de la description de l’observé d’une part, le temps d’autre part nécessaire pour comprendre la vie ou l’activité de l’observé, qui permet le déroulement d’un film à partir d’instantanés chronologiques. L’observation capturée est ainsi limitée par 4 facteurs : La quantité d’information capturée concernant l’observation L’échantillonnage dans le temps de l’information collectée Le caractère exclusif, spécifique de la relation observateur / observé, subjective par définition La faculté à coder l’observation de façon à la rendre accessible à d’autres Le terme de traçabilité exprime un cheminement analytique pour retracer l’histoire négentopique du produit, l’extraction de la connaissance objective de sa genèse dans le périmètre restreint de la chaine logistique allant de l’extraction du minerais ou le semis jusqu’à de la livraison au consommateur final ou (re)commence son cycle entropique. 1.2 Mise en œuvre de la traçabilité En l’absence de moyen pour accéder à l’information potentielle du produit, cette histoire doit être capturée et mémorisée au fur et à mesure des déplacements et de l’élaboration du produit et codée, contée de façon adaptée à nos moyens de compréhension et d’analyse. Cette capture est nécessairement partielle, aussi bien en nombre de paramètres mesurés qu’en granularité et extension temporelle. Elle est déterminée par des objectifs tels que : La connaissance de la généalogie du produit permettant de remonter récursivement aux produits incorporés et à leurs fournisseurs et inversement La connaissance des ressources (machines, personnes) mobilisées pendant l’élaboration du produit pour lier les défaillances ou erreurs de manipulation aux déviations des caractéristiques finales La connaissance des traitements effectués sur le produit et des paramètres associés D’un point de vue opérationnel, la traçabilité touche essentiellement : Le suivi des flux de déplacement de la matière de la chaine logistique de façon à capturer les mouvements de produits entre unités de transformation et identifier les segments de flux à la maille appropriée (lots, séries) Le suivi des flux de transformation de la matière au sein des unités de fabrication, les points de convergence / divergence des segments de flux Le suivi des étapes de transformation auxquelles sont associées les données elles-mêmes L’infocentre des données de traçabilité où les données sont consolidées, validées et structurées pour constituer une base de connaissances utilisable Les applications d’analyse décisionnelle et de rapportage pour servir les utilisateurs du système de traçabilité La traçabilité est une vue d’un système industriel (ateliers, usines, points d’extraction et de distribution, compositions des précédents formant la chaine logistique de transport et de transformation) qui s’intéresse à l’histoire passée et à venir du produit : Le processus de son élaboration incluant Le mode opératoire  Les paramètres de réglage des machines, les caractéristiques, les conditions ambiantes aux différentes étapes de fabrication Le processus logistique incluant Les déplacements et localisations successives Les conditions ambiantes et événements survenus au cours de ce processus Ses relations avec d’autres produits : ses composants, les produits dans lesquels il est incorporé, le conditionnement Ses relations avec les ressources mises en œuvre pour le fabriquer : travail humain, machines, énergie Cette histoire est vécue aux différents niveaux de la hiérarchie de création du produit final, partant des matériaux bruts issus de la terre jusqu’à leur consommation sous la forme de valeur ultime avant leur retour à la terre par destruction, dégradation, désintégration. Techniquement, la traçabilité doit : Capturer les données utiles en temps réel Constituer un modèle– une représentation partielle – de la connaissance du produit dont la finesse et la fidélité doivent permettre de répondre aux objectifs qui lui sont assignés. Fournir des outils d’analyse pour répondre aux questions motivant les objectifs assignés. Le cycle de conception du système de traçabilité suit l’ordre inverse, partant des objectifs et questions pour remonter à la modélisation et à la capture. La conception d’un système de traçabilité efficace devra 1) Gérer le cycle de vie de ce système en organisant la gestion des exigences métier et la conception des applications informatiques. 2) Définir un langage de description de l’information potentielle du produit 3) Organiser, enregistrer et mettre à disposition l’information codée selon ce langage 1.3 Les standards ISA-88 et ISA-95 : intérêt pour la traçabilité Pour une étude plus générale de ces standards, on se reportera à l’article Techniques de l’Ingénieur [TR105]. L’ISA est une association professionnelle globale couvrant le contrôle des procédés industriels. Elle bien connue pour ses travaux de standardisation, l’ISA-88 et l’ISA-95 étant parmi les plus connus et utilisés. Ces standards traitent : 1) La conception fonctionnelle de l’automatisation des systèmes industriels. 2) Les processus de gestion de l’exploitation des systèmes industriels 3) Les processus physiques des systèmes industriels 4) Le cycle de conception du produit 5) Les échanges d’information autour et à l’intérieur du système opérationnel 6) Les enregistrements de production Ces standards peuvent être pris en considération pour les aspects suivants de la traçabilité. 1.3.1 Langage de description de l’information potentielle produit Un des points central de la traçabilité est le langage nécessaire pour exposer la connaissance du produit, information dotée de sens, permettant d’extraire facilement l’histoire du produit. Plusieurs approches sont possibles pour établir ce langage : Approche technologique par la construction ad hoc d’une base de données conçue autour d’un projet informatique Approche sémantique locale où les concepts utiles de la traçabilité sont définis en amont et indépendamment des projets informatiques Approche ontologique basée sur des standards dont les concepts génériques peuvent être dérivés en fonction des besoins réels et de leur évolution. On note la préférence progressive de ces approches qui offrent une flexibilité et une ouverture croissante pour répondre aux besoins explicites et implicites, présents et futurs de l’entreprise. L’approche ontologique basée sur les standards offre de nombreux avantages qui ne seront pas détaillés ici, mais parmi lesquels on citera la réduction des coûts et risques des projets en raison de la connaissance externe portée par les standards et de leur généricité inhérente qui facilite les modifications et les évolutions. Parmi les référentiels pour modéliser les systèmes industriels et les produits qu’ils élaborent, les standards ISA-88 et ISA-95 couvrent respectivement : La modélisation structurelle et comportementale du système opératif (ISA-88) La modélisation des processus d’élaboration du produit (ISA-88 et ISA-95) La modélisation des processus de gestion de la fabrication, de la logistique interne, de la maintenance et du contrôle qualité (ISA-95) Le périmètre est donc assez large, mais ne comprend pas par exemple les processus logistiques externes impliquant les interactions avec des partenaires (clients, fournisseurs). Concernant le produit lui-même, ces standards n’offrent pas directement toutes les facettes utiles pour les assemblages complexes, mais les modèles permettent des extensions qui devraient satisfaire les besoins de la traçabilité. Ils peuvent être considérés avec intérêt comme langage d’un système de traçabilité en ligne avec la conception des systèmes opérationnels qui leur font souvent référence. 1.3.2 Enregistrement de l’information de traçabilité La discrétisation de l’information opérationnelle est traitée dans plusieurs modèles de données de ces standards (capabilité, planification et rapports d’exécution). L’ISA-88-4 est dédiée à cet aspect et offre un modèle global de consolidation de l’information opérationnelle centrée sur la production. Elle sera traitée à part dans cette étude, car elle intègre de nombreux modèles des standards ISA-88 et ISA-95. 1.3.3 Gestion de la traçabilité L’ISA-95.03 définit un modèle d’activités qui prend en compte la traçabilité sous ses différents aspects fonctionnels : collecte mise en contexte et analyse des données. Ce modèle est aussi un cadre de support des processus de gestion opérationnelle qui peut intervenir comme dimension utile de l’information de traçabilité. 2 Modèles ISA-88/95 : un langage pour la traçabilité Cette étude est basée sur le modèle de convergence des standards ISA-88/95/106 de l’article TR105 (l’ISA-106 a été ignorée car non pertinente ici). En ligne avec les hypothèses préliminaires sur la traçabilité en charge de l’histoire du produit, nous nous intéressons ici à la dimension potentielle de l’information liée au produit, et donc à la vision spatiale d’observation statique du produit et des installations. Les 3 entités élémentaires de cette ontologie de haut supérieur – Energie, Matière et Information – sont déclinées en 2 concepts de base - Ressources et Processus – cohérents avec les modèles définis dans les standards ISA-88 et ISA-95. La seule exception concerne le « Segment process » de l’ISA-95 considéré comme une ressource parce qu’il regroupe d’autres ressources alors qu’il s’agit en fait d’un processus de fait de sa finalité. Pour cette raison, le segment process sera traité dans cette section. Nous énumérons ci-dessous l’applicabilité de ces modèles à la traçabilité en traitant successivement les aspects ressources et processus. 2.1 Objets spécifiques simples Les modèles ISA-88 et ISA-95 définissent à la fois des objets canoniques (person, equipment, capability…) correspondant à des concepts concrets partagés par toutes les systèmes industriels de et des objets spécifiques simples qui peuvent être définis au moment même de la capture d’information (parameter, data, property). Les deux standards ISA-95 et ISA-88 définissent ce type d’objet de manière abstraite parce qu’il est évidemment impossible au niveau du standard de définir tous les aspects concret s possibles des systèmes industriels tels que les grandeurs physiques de caractérisation d’une matière (densité, PH, température…) les données de fonctionnement d’un équipement (niveau sonore, température des paliers…) ou les données d’aptitude des personnels (compétence pour mener certains types d’opérations, niveau exposition radioactive…) . Traités de la façon la plus simple, ces objets apparaissent comme un couple identifiant / valeur (« température : 22°C ») qui définit à la fois le concept et l’état correspondant actuel. Les différents standards ISA proposent des structures plus élaborées (structures, unité de mesure, clés de valeurs multiples, relations…), différentes selon le standard et la partie considérée comme le montre les figures ci-dessous : ISA-88.02 : un simple objet récursif faisant partie du modèle « Recipe entity » Figure Structure du paramètre dans l’ISA-88.02 ISA-88.04 : une structure assez complexe prenant en compte les séries chronologiques et la référence de l’étiquette. Figure Structure du jeu de données (série chronologiques) dans l’ISA-88.04 ISA-95.02 Property, Data, Parameter : chaque modèle ISA-95 introduit ses propres objets, comme par exemple les propriétés de l’objet Person ou les données de l’objet Segment : Figure Propriété et Donnée dans l'ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces structures pour la traçabilité Dans l’établissement d’un langage propre à interpréter sans ambigüité l’information de traçabilité, il est indispensable d’associer les instances de ces objets de données à une définition sémantique de référence – par exemple, pour éviter d’utiliser des vocables différents pour des mesures de même nature (« Transparence » / « Limpidité »). Ceci n’est traité que dans l’ISA-88.04, il pourra être nécessaire d’adapter ou de compléter les modèles pour offrir l’intégrité sémantique nécessaire. 2.2 Aspect Ressources - Vue d’ensemble Les modèles des standards ISA prennent en compte 3 types de ressources, ainsi qu’un modèle d’assemblage des ressources permettant par exemple de décrire des chemins, des relations entre plusieurs équipements : Tableau  : Méta-modèle et modèles des ressources Métamodèle ISA-95.02 ISA-95.04 ISA-88.01/2/4 ISA88.03 Resource (Personnel) Personnel Resource (Equipment) Role based equipment, Physical asset, physical model, Equipment entity/class, Physical model (Equipment requirement) Resource (Material) Material (Formula) (Material definition) Resource (capability) Operations capability Work capability Work Master Capability Resource relationship network Nota : Les modèles entre parenthèses ne sont pas développés ou correspondent à de simples attributs, ils ne sont pas développés dans cette étude. Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité 1) Utilité La traçabilité doit être en mesure d’associer les ressources à une activité donnée dans la vie du produit. A un premier niveau, cette information peut être limitée aux noms de des personnes ou des équipements, numéros de lots… à partir desquels des investigations complémentaires pourraient être conduite de façon manuelle. De manière plus élaborée, l’intégration des informations relatives à ces ressources (caractéristiques, aptitudes, état au moment des faits) permet des recherches bien plus complètes. 2) Historique des ressources Dans le contexte de la traçabilité, tous les modèles ISA-88 et ISA-95 concernant les ressources permettent de les décrire de manière indépendante de l’élaboration du produit, sans considération historique ni rapprochement contextuel. Chaque ressource ne peut donc être associée qu’à un jeu de valeurs unique, correspondant à l’état actuel de la ressource. Dans la mesure où la traçabilité s’intéresse à l’état des ressources dans leur contexte historique, il est nécessaire de pouvoir exprimer des valeurs multiples pour une même ressource. Ces modèles devraient donc toujours être utilisés dans des structures de plus haut niveau, permettant de rattacher l’information sur les ressources à tous les contextes opératoires et points dans le temps utiles. Le standard ISA-88 offre une prise en compte limitée de la notion de ressources, tandis que le standard ISA-95 n’associe les ressources à leur contexte d’utilisation que par des liens de référence, interdisant l’acquisition de valeurs spécifiques au contexte. L’utilisation de ces modèles indispensables pour la traçabilité nécessite donc de définir des modèles complémentaires ou d’aménager les modèles existants pour permettre des enregistrements multiples de la même ressource montrant son évolution dans le temps et au cours de la vie du produit. 2.3 Ressource : Personnel 2.3.1 ISA-95.02 Modèle Personnel Ce modèle décrit l’état des ressources humaines en définissant les concepts suivants Personne Catégories de personnes (personnel class), Propriétés (aptitudes et renseignements divers) Tests de qualification et résultats de test. Figure Modèle Personnel ISA-95 2.4 Ressource : Equipement 2.4.1 ISA-95.02 Role based equipment, Physical asset Le modèle Role based equipment décrit l’état des ressources techniques (équipements) en définissant les concepts suivants : Equipement Catégories d’Equipement (equipment class), Propriétés (Caractéristiques) Tests de capabilité et résultats de test.. Il s’applique à l’équipement en place pour son rôle dans l’élaboration du produit. Figure Modèle Role based equipment ISA-95 L’autre modèle Physical asset est similaire : le terme Equipment est remplacé par Physical asset. Il concerne l’équipement en tant qu’actif physique à financer et maintenir. Figure Modèle Physical asset ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité L’utilisation de deux modèles pour les mêmes entités implique que les mêmes ressources techniques sont décrites 2 fois, un lien pouvant être établi entre les 2 informations. On peut justifier cette dichotomie en arguant que le mécanicien et l’exploitant ne s’intéresse pas aux mêmes données de l’équipement, que la hiérarchie de description des installations dans les deux cas est différente et que l’accès à l’information des ressources est plus simple si on ne prend pas en compte au premier niveau les changements d’affectation des équipements dans l’installation de production et leur retrait en maintenance. Selon les options de conception choisies, il sera toujours possible de n’utiliser qu’un seul modèle / qu’une seule source d’information en ajoutant les attributs utiles (numéro de série, vendeur…) et en mettant en place l’historisation de ces données (voir remarque préliminaire). 2.4.2 ISA-88.01/02 Equipment entity, Equipment class L’ISA-88 ne s’intéresse qu’à la ressource Equipement (la matière n’est citée qu’à travers une structure générique de type paramètre, la notion de personne n’est pas évoquée). Figure Modèles Equipment entity et Equipment class ISA-88 Ces modèles ont une apparence très différente des ressources ISA-95. Toutefois, ils restent relativement cohérents aux différences suivantes près : L’ISA-95 intègre les tests de la ressource, pas l’ISA-88.02 L’ISA-88 associe les fonctions process (Equipment procedural element – aptitude de l’équipement à participer aux pocessus physiques) à l’équipement ce qu’ignore l’ISA-95. L’ISA-88 intègre les relations entre ressources, l’ISA-95 propose depuis la partie 4 un modèle séparé (voir plus loin) Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Les modèles proposés par l’ISA-88 sont une alternative possible aux modèles ISA-95 pour les équipements. Le souci d’une cohérence générale entre les types de ressources (l’ISA-88 ne traite réellement que les équipements) pousserait à utiliser plutôt ceux de l’ISA95. 2.4.3 ISA-88 / 95 physical model Les standards ISA-88 et ISA-95 définissent une hiérarchie physique du système industriel permettant de positionner les ressources physiques (équipements) sur des niveaux de granularité prédéfinis. Les modèles physiques ISA-88 et ISA-95 sont structurellement et en partie identiques – une hiérarchie de niveaux standardisés dont celui de l’ISA-95 est amputé des deux niveaux les plus bas. L’ISA-95 ajoute des termes équivalents aux deux niveaux les plus bas restants. Les standards ISA-88 et ISA-95 abordent l’utilisation de cette hiérarchie d’une manière très différente, compte tenu de leur cible : l’ISA-95 comme attribut optionnel de la localisation de la ressource en général, de l’équipement en particulier L’ISA-88 comme cadre structurel obligatoire pour tout objet fonctionnel Figure Modèle physique consolidé ISA-88 et ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Ces modèles sont essentiels pour définir une granularité cohérente de l’information de mobilisation des ressources équipement. De plus, ils ne sont pas contraignants et peuvent être adaptés aux usages d’une entreprise ou d’une chaine logistique complète. Pour la traçabilité, on appréciera la terminologie alternative de l’ISA-95 aussi bien que les niveaux plus fins Equipment module / Control module de l’ISA-88 permettant par exemple de connaitre quelle section particulière de tuyauterie était active lors du transfert d’une cuve dans une autre pour identifier un problème de contamination par fuite ou défaut de nettoyage. On peut noter que la terminologie de ces niveaux est adaptable et que seuls les niveaux inférieurs ont une finalité formellement définie (seulement par l’ISA-88). Cette hiérarchie devrait être définie d’après le contexte général du système industriel considéré au-delà des seules exigences de la traçabilité. 2.5 Ressource : Matière 2.5.1 ISA-95.2 « Material » Ce modèle décrit l’état des ressources matières en définissant les concepts suivants Matière en tant qu’article codifié Catégories de matières (material class), Lot et sous-lot matière (occurrence d’une matière en stock, utilisée) Propriétés (Caractéristiques physico-chimiques de la matière et renseignements divers) Tests de qualification et résultats de test. Il concerne aussi bien le produit lui-même que ces composants (notions qui dépendent du point d’observation) et permet de décrire une hiérarchie complète de généalogie du produit. Il traite donc aussi bien le catalogue des matières mises en œuvre, produites, achetées, vendue par le système industriel dotées de caractéristiques standards que les matières réelles déplacées, combinées, produites et stockées au cours de l’activité du système. Figure Modèle Material ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Seul l’ISA-95 propose un modèle utilisable pour la traçabilité. L’ISA-88 ne propose que des éléments d’information simple pris en compte dans des modèles plus élaborés. La notion de sous-lot récursif faisant partie d’un lot lui-même récursif apparait redondante, elle provient de l’héritage de la première version du standard et a été conservée pour assurer une compatibilité ascendante des applications. Le modèle sera donc amputé sans problème de cet objet inutile. 2.6 Ressource : relations 2.6.1 ISA-95.04 « Resource relationship network” Ce modèle permet de décrire des relations entre ressources soit au niveau de l’entité ressource soit au niveau des propriétés des ressources. Il définit : Un réseau de relation comprenant un certain nombre de connexions Des connexions dans ce réseau qui sont très similaires à des équipements (voir ci-dessus) : elles liées à des type de connexion (= Equipment class) et des propriétés Les références aux ressources d’origine et de destination Figure Modèle Resource relationship network ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Bien que non restrictif, ce modèle s’adresse principalement aux ressources de type équipement. Il permet de rapporter la configuration du système de production et de la rapprocher du contexte opératoire. 2.7 Ressource : capabilité 2.7.1 ISA-95.02/04 Operations capability, Work capability L’ISA-95 offre deux modèles identiques dans ses parties 2 et 4, le terme Operations de la partie 2 étant remplacé globalement par Work dans la partie 4. Ce modèle traite à la fois les ressources et les processus (voir plus bas) sur plusieurs axes de discrétisation : Raison, Localisation, type de capabilité, temps. La capabilité exprime l’état des ressources de tous types en termes de quantité et propriété. Un lien avec les modèles de ressources évoqués précédemment est mentionné. Ce lien est qualifié aussi bien au niveau de la classe (catégorie) que de l’entité ou de la valeur des propriétés (non représenté sur le modèle, mais décrit au début de l’ISA-95.02). Figure Modèle Operations capability ISA-95 Figure Modèle Work capability ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Ce modèle est intéressant pour la traçabilité, parce qu’il permet d’acquérir l’historique des ressources en terme d’engagement et de disponibilité dans le temps. Par contre, il ne tient pas compte des processus qui mobilisent les ressources, et n’offre donc comme moyen de rapprochement de l’utilisation des ressources avec les processus physiques du produit qu’une relation temporelle. 2.8 Aspect Processus - Vue d’ensemble Les modèles des standards ISA prennent en compte l’activité du système industriel selon deux dimensions La généricité des processus : Master pour les définitions, Execution pour leur mise en action Le cycle de vie des processus pour décrire les aptitudes disponibles (capabilité, quantitative), implémentées (qualitatives), exigées et réalisées du système industriel Le tableau ci-dessous résume les quatre catégories de processus traités par les standards ISA Tableau Méta-modèle et modèles des processus Méta-modèle ISA-95.02 ISA-95.04 ISA-88.01/2/4 ISA88.03 Processus >master (implementation) Process segment Work Master Recipe entity (Equipment Procedural Element) Processus >Master (capability) Operations capability Work master capability Processus >master (requirements) Operations definition Product segment Work definition Work directive Recipe entity (Master recipe) Equipment independent recipe Process element Processus >execution (actual) Operations schedule Operations performance Work schedule Work performance Batch schedule Recipe entity (Control recipe) Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité 1) Utilité La traçabilité s’intéresse au produit qui a été fabriqué, les modèles traitant les processus de référence apparaissent moins utiles que les modèles traitant de l’exécution, et en particulier du compte rendu d’exécution. Néanmoins, ces modèles de référence sont nécessaires pour compléter l’information historique du produit. En effet, de nombreux détails de l’exécution ne font pas l’objet d’une acquisition informatique, le compte rendu d’exécution ne relève que les données susceptibles de variation ou critiques. On pourra reconstituer l’historique de l’activité industrielle en combinant 3 sources Les données rapportées à l’issue de l’exécution (ex : Operations performance) Les exigences énoncées pour l’ordre de fabrication (ex : Operations schedule) Les spécifications standards de l’élaboration du produit (ex : Operations definition) Les spécifications standard de mise en œuvre du processus sur l’installation (ex : Process segments) 2) Historique de la définition des processus Ces modèles sont bien adaptés aux besoins de la traçabilité. Les modèles d’exécution offrent une information contextuelle dans le temps et sur le cycle de vie du produit, le modèle de capabilité permet de rapporter l’évolution du système industriel, le modèle des exigences du produit distingue la version valide au moment de la fabrication d’un lot de produit donné. 2.9 Processus : Maitre (Implémentation) 2.9.1 ISA-95.02 Process segment Le Segment Process ISA-95 exprime une aptitude du système industriel qui peut être mise à profit dans un processus physique de fabrication, qualification, déplacement du produit, de maintenance des équipements ou de formation du personnel. Cette aptitude est exprimée principalement par le nom du segment. Le reste du modèle s’intéresse aux détails nécessaires pour planifier et exécuter ce segment Engagement de ressources de chaque type : on peut spécifier la catégorie, les ressources spécifiques ou les propriétés Paramètres applicables au segment Relations avec d’autres segments Le segment est récursif, il peut être décomposé en segments de plus faible granularité ou faire partie de segment de plus large porté. Figure Modèle Process segment ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Bien que classé parmi les ressources par l’ISA-95, ce modèle concerne en premier lieu l’aptitude du système industriel à contribuer à l’élaboration du produit sous tous ses aspects : transformation, déplacement, qualification (produit), maintenance (équipements)… Au premier niveau de référencement de l’activité opérationnelle, la traçabilité pourra s’y appuyer pour compléter l’information issue de l’exécution proprement dite, définie dans la planification ou héritée des spécifications du produit. Comme pour les ressources, il devra être complété pour permettre de fournir les données du segment process dans le contexte de l’activité process considérée : suivi dans le temps, historisation de la définition du segment avec chaque activité qui le met en œuvre. 2.9.2 ISA-88.02 Equipment procedural element L’ISA-88 décrit les aptitudes du système industriel en termes de fonctions associées aux équipements. Le modèle Equipment procedural element est directement hérité du modèle plus général Recipe entity. L’ISA-88 est explicitement dédiée aux procédés batchs et adopte une terminologie spécifique : le concept de Recipe d’ISA-88 peut être considéré comme une spécialisation du concept Operations ou Work de l’ISA-95. Ce modèle est moins développé concernant les ressources (seule la notion d’équipement est traitée par l’ISA-88), mais davantage sur le plan descriptif (other information) et fonctionnel Procedural Structural Element). Ce dernier point le rapproche du modèle Work definition de l’ISA-95-04, à la différence près que l’ISA-88 positionne le flux d’activité dans l’équipement, alors que l’ISA-95 le met sur le même plan au sein du segment produit (work definition). Figure Modèle Recipe entity / Equipment procedural element ISA-88 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Les structures de données issues de l’ISA-88 et les base historiques qu’elles organisent sont largement mises à profit par les applications de traçabilité. Elles justifient souvent la mise en place d’un séquenceur de recettes basé sur ce standard. Elles sont techniquement plus à même de décrire de façon précise les enchainements opératoires que l’ISA-95 (l’ISA-95.04 tente de combler cette lacune). Mais, comme discuté précédemment, on pourrait préférer l’ISA-95, au périmètre plus large, par souci de cohérence de l’ensemble du modèle de données. Les modèles ISA-88 et Isa-95 sont finalement assez proches (ils auraient tout aussi bien pu être identiques). L’avantage irait à l’ISA-88 pour la cohérence d’ensemble des modèles (un seul modèle en face de 6 modèles Isa-95), à l’ISA-95 pour le traitement plus élaboré du suivi des ressources 2.10 Processus : Maitre (capabilité) 2.10.1 ISA-95.02/04 : Process segment capability, Work master capability L’ISA-95 offre deux modèles identiques dans ses parties 2 et 4, le terme Operations de la partie 2 étant remplacé par Work dans la partie 4. Ce modèle fait partie du modèle plus général Operations capability (ou Work capability) déjà abordé pour les ressources. La capabilité exprime l’existence et la configuration des ressources du process segment en termes de quantité et propriété. Un lien avec les modèles de ressources évoqués précédemment est mentionné. Ce lien est qualifié aussi bien au niveau de la classe (catégorie) que de l’entité ou de la valeur des propriétés (non représenté sur le modèle, mais décrit au début de l’ISA-95.02). Figure Modèle Process segment capability ISA-95 Figure Modèle Work master capability ISa-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Ces modèles supervisés par le modèle de capabilité permettent de caractériser les segments au cours du temps, et donc de connaitre la définition de cette référence dans le temps. Par contre, ils ne tiennent pas compte des processus qui mobilisent les segments, et n’offre donc comme moyen de rapprochement de l’utilisation des process segments par les processus physiques du produit qu’une relation temporelle. De plus, les paramètres ne sont pas pris en compte dans ce modèle alors qu’ils peuvent avoir des valeurs par défaut à prendre en compte dans l’exécution. On pourra le remplacer avantageusement par le modèle process segment pris tel quel dans le modèle de capabilité. 2.11 Processus : Maitre (Exigences) 2.11.1 ISA-95.02/04 : Operations definition, Work definition Le modèle Operations definition permet de décrire les processus standard d’élaboration du produit. L’objet de plus haut niveau « Operations definition » est un en-tête de spécification du produit. L’objet de second niveau Operations segment est semblable au modèle Process segment, ce dernier exprimant une aptitude du système industriel à accomplir une action process, tandis que l’Operations segment spécifie les exigences de mise en œuvre du précédent. Figure Modèle Operations definition ISA-95 Le modèle Work definitions est un concept équivalent. Toutefois, au-delà du remplacement du terme Operations par Work, ce modèle supprime l’en-tête de la définition (pas très utile du fait de la récursivité du segment) et répare un oubli du modèle de la partie 2 : la description du flux d’activité (présente dans l’ISA-88.02) . Il se dérive également en Work master (comme référence générale pour une tâche de l’ordre de fabrication) et Work directive (comme référence à l’exécution réelle d’une tâche de ce même ordre de fabrication. Figure Modèle Work definition ISA-95 Figure Modèle Workflow specification ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Ces modèles expriment les spécifications d’exécution standard des étapes d’élaboration du produit sous tous ses aspects : transformation, déplacement, qualification (produit), maintenance (équipements)… Au second niveau de référencement de l’activité opérationnelle derrière le process segment, la traçabilité pourra s’y appuyer pour compléter l’information issue de l’exécution proprement dite, définit dans la planification ou héritée des spécifications du process segment. Comme pour ce dernier, il devra être complété pour permettre de fournir les données de spécification des segments du produit dans le contexte de l’activité process considérée : suivi dans le temps, historisation de la définition du segment avec chaque activité qui le met en œuvre. L’ISA-95.04 apporte des compléments utiles (description détaillée du processus) mais induit une certaine confusion par sa terminologie délibérément distante de l’ISA95.02 pour des concepts identiques. 2.11.2 ISA-88.02 Master recipe Le modèle abstrait Recipe entity est utilisé pour décrire la Master recipe, ou mode opératoire. Figure Modèle Recipe entity / Master recipe ISA-88 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Même remarques que pour l’Equipment procedural element (ISA-88.02 Equipment procedural element). 2.12 Processus : Exécution 2.12.1 ISA-95 : Operations schedule / Performance, Work schedule / performance L’ISA-95.02 propose 2 modèles pour décrire l’activité planifiée et son exécution. Ils sont pratiquement identiques, l’un définissant les exigences d’exécution, l’autre la réalité de l’exécution. La différence entre la prescription et la réalisation n’est en pratique pas toujours formellement repérable. On considère généralement que tout ce que fait l’exécutant est du ressort de la réalisation, in inversement pour l’agent de planification. Ces modèles reprennent la même structure Segment requirement / Segment response que les modèles Process segment / Operations definition précédents, prenant ces derniers comme référence (valeurs par défauts) mis en contexte d’un ordre de travail à accomplir. Figure Modèle Operations schedule ISA-95 Figure Modèle Operations performance ISA-95 L’ISA-95.04 reprend les mêmes structures avec des termes différents. Figure Modèle Work schedule ISA-95 Figure Modèle Work performance ISA-95 Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité Ces modèles sont directement utilisables pour la traçabilité : l’ordre de travail est un point d’articulation élémentaire de la traçabilité, rapprochant le produit de ses composants, des ressources contributives, dans le cadre opératoire du travail accompli. Les ressources elles-mêmes sont traitées quantitativement. L’aspect qualitatif sera traité par la prise en compte de l’historisation du cycle de vie des ressources traitée dans la section précédente. 2.12.2 ISA-88 : Batch schedule entry L’ISA-88 propose un modèle d’exécution des processus très détaillé et cohérent faisant intervenir le processus maitre (Master recipe), le processus réalisé (Control recipe), la mobilisation des fonctions process de l’équipement (Equipment procedural element) et l’equipment (Equipment entity). Il fait appel au modèle Recipe entity sous ses trois spécialisations. Equipment procedural element Master recipe entity Control recipe entity Figure Modèle Batch schedule entry ISA-88 Figure Modèle Recipe entity ISA-88 utilisé dans le contexte Batch schedule Remarques concernant l’utilisation de ces modèles pour la traçabilité A la fois plus simple et plus optimisé que ceux de l’ISA-95, ce modèle ne prend pas en compte les ressources matières et personnes, il devrait donc être complété pour la traçabilité. 3 L’ISA-88.04, infocentre de la traçabilité en production L’ISA-84 propose un modèle général pour les « enregistrements de production ». Dans le contexte ISA-88, ce document s’adresse naturellement aux procédés batchs (par lots de produits mesurables). Toutefois, à l’image de l’ensemble de l’ISA-88, si l’on fait abstraction de la terminologie relativement orientée (le terme « Recette » est inapplicable aux procédés discrets (usinage, assemblage) ou continus (raffinage, production énergétique…), les concepts sont suffisamment cohérents et robustes pour s’appliquer dans la réalité dans touts types d’activités physiques. La question a été précisément évoquée lors du développement de l’ISA-88.04, qui aurait pu (dû ?) être l’ISA-95.XX. De fait, ce standard définit non plus des concepts pour l’automatisation modulaire/ flexible (ISA-88) ou des structures pour l’échange de données entre applications informatiques (ISA-95), mais des structures pour le stockage de l’information concernant l’activité physique des systèmes industriels, un prolongement naturel de l’ISA-95. Un projet d’extension de ce modèle dans l’ISA-95 a été proposé. Le résultat est un modèle récursif de représentation de l’information concernant un segment de processus physique – au plus haut niveau, la chaine complète d’élaboration du produit, au plus bas niveau, une action élémentaire sur le produit) regroupant une partie des structures de données définies à la fois dans l’ISA-88 et dans l’ISA-95, ainsi que des structures complémentaires particulières à ce standard. Ce modèle est donc un hybride des deux standards, avec un penchant prononcé pour l’ISA-88. Le modèle Batch production record représente l’exécution d’un segment de production donné, il regroupe des Batch production record entries faisant l’objet de structures de données spécialisées (événement, séries chronologiques, commentaires, définitions de produits, recettes, ordre de fabrication, rapports de fabrication…). Il est récursif, et permet donc de regrouper une hiérarchie d’étapes de traitement. Figure Modèle général Batch production record ISA-88 Le Batch production record comprend des attributs d’identification, localisation, lotification, cycle de vie, ressources principales (Matières et Equipement). Chaque entrée d’enregistrement est une structure de données spécialisée, dont l’en-tête détermine l’identification, la chronologie, les références externes Les types d’entrées définies sont les suivantes : Tableau Types d’entrées du Batch production record ISA-88 Origine Event Structure de données pour les événements et alarmes ISA-88.04 Data sets Structure de données pour les séries chronologiques (évolutions des grandeurs physiques dans le temps ISA-88.04 Sample Structure de données pour les échantillons, les test et les résultats de tests ISA-88.04 Comments Classe simple pour les commentaires libre des exploitants ISA-88.04 Change Classe simple pour les modifications apportées aux enregistrements ISA-88.04 Personnel identification manifest Classe simple pour attester des personnes intervenant dans une action donnée ISA-88.04 Resource qualification manifest Classe simple pour attester de la qualification d’une ressource pour sa contribution dans une action ISA-88.04 Product definition Exigences standard du produit en ressources ISA-95.02 Production request Exigences spécifiques en ressources de l’ordre de fabrication ISA-95.02 Production response Compte rendu de l’utilisation effective des ressources ISA-95.02 Master Recipe Procédure de référence pour la fabrication du produit ISA88.02 Control Recipe Compte rendu de l’exécution du procédé de fabrication ISA88.02 On remarque que ce modèle implique une mise à plat de l’information de production traitée par type et non par contexte. Il a été conçu pour optimiser les performances d’enregistrement et d’interrogation d’une base de données de type infocentre, orientée analyse décisionnelle. Le contexte peut être reconstitué non par des jointures inapplicables pour les très grosses bases de données, mais à partir de références de couplage faible. La réutilisation de modèles ISA-88 et ISA-95 part de l’hypothèse que l’ISA-88 ne traite que les aspects procéduraux opérationnels, et que l’ISA-95 ne s’intéresse qu’aux ressources. Il n’était donc pas question lors du développement de standard de tenter une réconciliation des deux approches Ce standard offre une base intéressante pour construire un infocentre de l’information opérationnelle du système de production, et en particulier de la traçabilité. Centré sur les activités autour du produit, Il pourrait être avantageusement complété par les activités autour des ressources (qualification, maintenance, localisation…) pour enrichir l’information contextuelle sans alourdir la collecte de l’information de production. Plutôt que de mixer sans prescription particulière les modèles ISA-88 et ISA-95, la structure générale du modèle proposé peut facilement accueillir d’autres options, y compris un aménagement des modèles standards. 4 L’ISA-95.03 : Organiser la gestion de la traçabilité L’exploration fonctionnelle du système de traçabilité est conduite à travers la description des processus métier dans lesquels intervient la traçabilité, ou qui concerne directement le fonctionnement du système de traçabilité. Les exigences en termes de fonctions et de détail des données peuvent âtre ainsi exposées et validées par les acteurs du système. L’ISA-95.03 défini un modèle d’activité général pour structurer les besoins fonctionnels de la gestion de l’exploitation des systèmes industriels. La traçabilité prend place dans ce modèle comme cadre de collecte des besoins d’une part, d’urbanisation des applications informatiques d’autre part. Ce modèle définit huit activités de base, qui peuvent s’appliquer à différents domaines opérationnels : Production, Maintenance, Logistique, Qualité Figure Modèle d'activités ISA-95 Ce modèle est présenté selon 4 contextes opérationnels relativement au travail à effectuer : La préparation du travail L’exécution du travail La finalisation du travail après exécution ou de manière asynchrone pendant son exécution Les données techniques de référence qui ne sont pas exclusives à un ordre de travail particulier. La finalité de la traçabilité apparait dans les deux activités post-work : Tracking qui concerne le compte rendu d’exécution du travail pour les besoins de la planification Analysis exploite l’information opérationnelle pour produire des rapports et tableaux de bord, dont ceux de la traçabilité La collecte des données utiles apparait dans les deux activités actual work : Execution management pour la supervision du déroulement opératoire Data collection pour la collecte et l’enregistrement des données L’acquisition du contexte opératoire apparait dans les quatre autres activités Detail scheduling et Dispatching pour connaitre les exigences posées par la planification et acceptée lors du lancement en production Resource management et Definition management pour connaitre l’état des ressources et les spécifications standard en vigueur dans le contexte opératoire. Ce modèle bien connu pourra être utilisé pour structurer de manière cohérente les besoins métier de la traçabilité en entrée de la conception des applications informatiques industrielles sur lesquelles elle s’appuie. 5 Conclusion Les standards ISA-88 et ISA-95 n’ont pas été conçus explicitement pour prendre en compte les besoins spécifiques de la traçabilité. Ces standards très répandus et bien connus dans l’industrie permettent pourtant une représentation assez complète des systèmes industriels couvrant la plupart des facettes nécessaires pour la traçabilité. La construction d’un système de traçabilité pourra effectivement tirer partie de ces standards à trois conditions : Encourager la mise en œuvre appropriée de ces standards pour les besoins opérationnels (interopérabilité applicative et rapportage d’exploitation) afin de ne pas avoir à surcharger ou contrarier l’infrastructure informationnelle pour les besoins de la traçabilité Définir l’approche conceptuelle d’historisation des données, par exemple en s’appuyant sur le méta-modèle proposé en préambule à cette étude comme grille d’analyse des besoins et de lecture des modèles considérés Adapter ou compléter les modèles de ces standards pour mettre en œuvre cette approche, en particulier pour la gestion des données de références et l’historique des ressources et processus Le recouvrement important entre l’ISA-88 et l’ISA-95 et leurs lacunes respectives ouvrent plusieurs possibilités de mise en œuvre pour tirer partie de leurs atouts respectifs et contourner leurs faiblesses. On peut synthétiser les hypothèses de réflexion sur l’utilisation de ces standards du point de vue de la traçabilité: L’ISA-88.04 offre une base intéressante pour la construction de l’infocentre de l’activité du système industriel L’ISA-88.04 utilise de préférence les modèles issus de l’ISA-88, il peut très bien être aménagé pour intégrer n’importe quel modèle des deux standards en apportant les liens contextuels nécessaires L’ISA-88 offre des modèles plus cohérentes, plus simples, plus proches du détail opératoire que l’ISA-95 L’ISA-95 traite de façon plus complète l’information des ressources, et en particulier du produit lui-même Le concepteur qui souhaite s’appuyer sur ces standards pourra donc considérer quatre options : Prendre l’ISA-88 comme standard de base et aménager/compléter les modèles pour la traçabilité en assurant un haut degré de conformité Faire de même à partir de l’ISA-95 Faire de même en combinant les 2 standards (voie suivie par l’ISA-88.04, qui peut être facilement élargie) S’inspirer du meilleur de ces deux standards pour définir ses propres structures en s’affranchissant de toute considération de conformité à ces standards. Pour la mise en œuvre, il n’existe pas d’offre logicielle dédiée à la traçabilité basée spécifiquement sur une telle exposition élargie de ces standards qui n’implique pas de contraintes particulières dans le choix des solutions. On peut noter l’intérêt des séquenceurs de recettes basés sur l’ISA-88 (Batch managers) pour faciliter l’historisation contextuelle de l’exécution opératoire au niveau de la production. Pour en savoir plus Utilisation des standards ISA-88 et ISA-95 pour la traçabilité en production par Jean VIEILLE 1onction : Expert en systèmes industriels 2onction : Control Chain Group 3onction : Sources bibliographiques À lire également dans nos bases VIEILLE Jean –Contrôle-commande des systèmes industriels : Standards ISA-88, 95,106. [TR105] (2013). Sites Internet Control Chain Group www.controlchaingroup.net SyntropicFactory www.syntropicfactory.com Normes et standards IEC 61512 / ANSI/ISA–88.00.01–2010 Batch Control (part 1, 2, 3, 4) Batch Control (part 1, 2, 3, 4) IEC 62264 / ANSI/ISA-95.00.01-2010 Enterprise-Control System Integration (part 1, 2, 3, 4, 5, 6) Organismes – Fédérations – Associations (liste non exhaustive) ISA – The International Society of Automation www.isa.org IEC – International Electrotechnical Commission www.iec.ch/ ISO - the International Organization for Standardization www.iso.org